Faire table rase

Deux semaines au Québec. Seul. Mais bien accueilli. Faire table rase de la réserve d’œuvres de la Galerie des Nanas. Il y avait là, à vue de nez, au moins 200 pièces à trier, donner, consigner, vendre (quand c’est possible – qui veut d’une œuvre d’art physique désormais ? – d’une artiste qui fut une amie chérie (mon amour durant 30 ans), disparue depuis plus de 7 ans), détruire, en les lançant dans une benne de l’écocentre Des Carrières. Aussi emballer près de 75 tableaux et sculptures pour les livrer au bout du monde, d’abord dans un entrepôt de Ville Saint-Laurent, puis dans un conteneur chinois en direction de Lyon. 

Nombreuses à partir et aussi nombreuses à rester au purgatoire d’un U-Box U-Haul. Quant aux chanceuses, elles sont désormais en pensionnat ou dans une nouvelle demeure : La tête du diable d’Un dimanche à la campagne et le Grand Singe de bois (Mireille et Daniel); La libellule (Marthe); la Chaise âne et Le chien Cailloux (Isabelle), un très beau dessin sans-titre intégrant des estampes de linoléum (Danielle); Oursonne de jardin, Le Taureau, Lapin Bétonbentesque et Yin Yan (Le couple orangé de la série de l’Enfant volant) (Mimi Traillette), La Grande Tour à l’Enfant et la résine Lianes, Le cadeau bleu sans titre sauvé de l’exacto, le Petit Cadeau Bleu au cadre kitsch, Jacques (Mon Pays c’est le Plateau) et le masque de Trois-Rivières de Jovette Marchessault (David); Le Taureau de dentelles, la maquette du bas-relief pour l’hôpital pour enfant Necker, Vie nocturne, l’urne cochonnailles de résine, la lampe Totem et La Vierge mexicaine (Charlotte); La Vierge endeuillée (Shanti); l’Autoportrait de la série Visages et Regards (Sébastien); Osmose (Nicole).  Merci à Patrick et Chantal, venus d’aussi loin que les Cévennes.

«Le Québec me tue» disait Hélène Jutras en 1994*. Je n’ai pas lu ce pamphlet, mais son titre me revient constamment dans la tête. La prose géniale du passé simple de Granby d’Akim Gagnon va-t-il m’aider à faire mon deuil à moi ?  Akim sait tellement bien lécher les blessures. Je ne crois pas. Je suis sidéré par la pauvreté à Montréal, Laval, Québec, Jonquière, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe. Édifices en ruines, cônes oranges, itinérance pandémique, CHSLD vétuste avec ma mère dedans. Le Québec me tue malgré tous les gens que j’y aime et je dois aller mourir ailleurs, emportant avec moi les cendres d’une des grandes femmes de ma vie et en laissant d’autres, encore en vie, derrière (ma fille, ma sœur, ma belle-mère, Charlotte, Mathilde). Je suis lâche et j’assume. Je vais, une nouvelle fois, abandonner mes amis, mes frères, ces hommes qui se battent et auxquels je ne sais plus quoi dire, en chair et en os, ou en visioconférences, à part que je les aime (Bob, Tchad, Gabatine, David, Richard, Roger).  Je suis lâche et j’assume.
* https://www.ledevoir.com/societe/282551/le-quebec-me-tue-ressuscite

Un commentaire @ “Faire table rase”

  1. Colombe Landry 16 août 2023 @ 09:01 #

    Courage! Je te souhaite de trouver plus de paix. Je nous le souhaite à nous tous et à nous toutes.

    Malheureusement, la devise du Québec est « Faire le plus d’argent possible à tout prix », devise qui reflète les vraies valeurs québécoises mises de l’avant. qui tournent autour du fric. Alors, EXIT le patrimoine, la culture, la santé, l’éducation, le logement, la sécurité et la justice sociale.

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