La programmation de notre saison 2017

Il y avait longtemps qu’on ne vous avait écrit… En 2016, La Galerie des Nanas a subi les éléments et a considérablement ralenti ses activités. Vous le savez toutes et tous, la disparition prématurée et soudaine de Martine Birobent, artiste et co-fondatrice de la galerie, fut un choc. Des annonces ont été médiatisées et levaient le voile sur notre futur, parlaient d’ajustements à notre grille de programmation annuelle (voir La Tribune de Sherbrooke).

Eh bien nous y voilà. 2017 est là et nous sommes en mesure de vous divulguer certaines de nos activités à venir. Pour le moment pas de grands changements. Une belle programmation intra-muros et aussi en déplacement. On assume nos passions !

Cette année à nouveau, nous étions présents à la Outsider Art Fair de New-York du 19 au 22 janvier 2017, en binôme avec Galerie Polysémie de Marseille. Logés au stand 32, nous ferons d’abord une large place au travail de Martine Birobent ainsi qu’à la grande Danielle Jacqui, pour qui il s’agira de l’une des toutes premières présences significatives en territoire Nord-Américain. Nous en reparlerons bientôt… Notre stand présentera aussi les œuvres de Anne-Marie Grgich, Anick Langelier, Caroline Dahyot, Evelyne Postic, Jean-Pierre Nadau, Philippe Azema, Olivier Blot, Alexandre Lobanov, David Abisror ainsi que Davood Koochaki.

Danielle Jacqui – La maison de celle qui peint

Martine BirobentLes grands cycles de la vie, se tient du 26 mai au 2 juillet à l’espace Hortense du P’Tit Bonheur de St-Camille et donnera à voir des pièces cachées dans les réserves de la galerie, réalisées par Martine entre 1995 à 2010. Puisés dans les séries Elle, Danse et Mouvement, Mutants et Cambriens ou encore l’Enfant volant, nous sortirons de terre, de petits trésors enfouis. La commissaire montréalaise Flavie Boucher agira de plus comme médiatrice pour présenter une portion de cette exposition à l’automne 2017 dans le cadre du festival Art et Déchirure de Rouen en France.

Deux oeuvres de Martine Birobent sont aussi exposées à Harstad en Norvège pour l’exposition d’ouverture « Cool – The Artic Outsiders » de la Outsider Art Street Gallery, une nouvelle initiative du Stiftelsen Sør-Troms Museum. Milles mercis à Linda Rainaldi du blogue Inside Outsider Art.

Notre saison débute le 13 juin, avec un pré-accrochage d’oeuvres choisies sélectionnées pour l’exposition À l’état brut de la Chapelle historique du Bon-Pasteur (voir plus bas). En juin, l’artiste muraliste Danaé Brissonnet est en résidence de travail à la galerie.

Du 25 juillet au 23 août, nous vous offrons l’exposition Celle qui peint et celle qui brode ou les œuvres de Danielle Jacqui «Celle qui peint» et Emily Beer «Emily Brode». Emily Beer, dont le «Coeur Voodoo» illustre l’actuel communiqué, sera présente pour une résidence de travail à Danville du 25 au 31 juillet et un vernissage aura lieu lors d’un 5 à 7 le mercredi 2 août.

La présence d’oeuvres de Danielle Jacqui à La Galerie des Nanas constitue quant à lui un rêve matérialisé, grâce à une collaboration avec Galerie Polysémie de Marseille, celui de présenter pour la première fois au Canada, le travail de cette véritable fondatrice de l’art singulier, connue notamment pour sa demeure entièrement recouverte de peintures et bas-reliefs (à Roquevaire, France).

Emily Beer – Coeur Voodoo

Du 1er au 4 septembre dans le cadre du Symposium des Arts de Danville, se tiendra le vernissage de l’exposition Sourcils Bas de Mimi Traillette et Clara B. Turcotte. Exposition d’art lowbrow, à destination des publics de jeunes adultes et d’adolescentes – adultes «straight» s’abstenir. Ce courant, très graphique, puise dans le manga et la BD. Le propos est souvent caustique, humour noir et spleen cachés sous le vernis. Le vendredi 1er septembre dès 13h, Clara B. Turcotte et Mimi Traillette présenteront une activité de créativité libre, dans nos ateliers, dans le cadre du Symposium des Arts de Danville, pour la clientèle de la maison des jeunes Au Point de Danville. Cette exposition se poursuivra jusqu’au 29 octobre 2017.

Jean-Robert Bisaillon, directeur artistique de La Galerie des Nanas agira à titre de galeriste associé auprès du commissaire Hugues Brouillet, de la Galerie Robert Poulin et du Musée Patrick Cady, pour l’exposition À l’état brut qui sera présentée du 28 septembre au 5 novembre 2017 à la galerie de la Chapelle Historique du Bon-Pasteur de Montréal. Cette exposition constituera une première au Québec pour les arts bruts, hors-les-normes, singuliers et outsiders. Y sera présenté le travail d’une vingtaine d’artistes du Québec, des USA et d’Europe.

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Interview – Martine Birobent à la biennale Out Of The Box

La biennale Out Of The Box de Genève définit les arts inclusifs comme l’expression d’artistes handicapés ou en marge des circuits officiels. On y présentera pour une seconde édition, des œuvres en danse, en théâtre ou encore en arts visuels, qui puisent leur motivation et leur propos dans des zones souvent retranchées, dont l’intensité transcende les filtres sociaux-esthétiques habituels. La québécoise et fondatrice de La Galerie des Nanas, Martine Birobent est l’artiste visuelle invitée de l’événement. Son exposition solo « Motus et bouche cousue » sera lancée au même moment que la biennale, le lundi 1ier juin à 17h30 à l’espace34 de Genève. L’expo se poursuivra jusqu’au 4 juillet.

Martine Birobent est allée préparer une partie de sa participation à la biennale, perdue dans les montagnes Cévenoles. Nous lui avons posé quelques questions afin de mieux comprendre son actuelle démarche.

Q. Pourquoi es-tu allée préparer OOTB dans les Cévennes?
Il s’agissait d’une belle opportunité offerte. Un saut vers l’inconnu. Les montagnes sont belles, fortes, chaque virage recèle ses surprises, les paysages y sont variés, la vie cachée, secrète. J’avais envie de me cacher. Je ne supporte pas les gens. J’avais besoin de cette coupure. Les gens m’étouffent et me submergent. Il me fallait le calme et la solitude, pas de bruit pas de voiture, pas d’Internet. Que des animaux. J’y étais à l’abri des responsabilités sociales. La montagne c’est enveloppant, c’est un monde à part.

Martine au travail (Serres)

Q. Tu es une marginale?
J’ai besoin de me protéger de la société. Je suis vraiment obligée de me parler pour affronter l’espace public. Par ailleurs, si je n’étais pas exposée, mon travail serait vain. L’un ne va pas sans l’autre.

Q. Pourquoi les gens de la biennale t’ont-ils choisie?
Ça leur a plu peut-être. Ce que je fais dois avoir l’air un peu fou. Ma folie intérieure, mon handicap de l’âme, mon handicap bien réel malgré qu’il soit fonctionnel, non visible, leur a certainement plu.

Q. Tes poupées muselées et tes sarcophages sont déstabilisants…
Mes poupées évoquent fréquemment le handicap. Je ne supporte pas l’ordinaire, le prévisible. Ça m’amuse de défier la normalité, c’est un peu un jeu. C’est l’anormalité qui est finalement l’ordre des choses, nous sommes tous assez handicapés. On se force pour enrayer ce constat, mais l’humanité est profondément bancale. Les handicapés visibles nous le rappellent.

Q. Tu dois donner un atelier avec le public, un workshop. Comment une asociale compose-t-elle avec cela?
C’est un mal nécessaire, j’ai effectivement horreur des trucs sociaux, communautaire. Ce sera une forme d’épreuve en direct puisque je sors d’un mois de réclusion. Mais lorsque je suis obligée de communiquer, je me sais en mesure d’être généreuse et efficace. Ces efforts produisent toujours quelque chose d’intéressant.

Q. Comment vas-tu mesurer le succès de cette opération en Europe?
Au degré de satisfaction des gens qui me font confiance, m’apprécient et son généreux à mon endroit. C’est un cadeau que je reçois et je dois par conséquent être à la hauteur. Je n’ai pas d’attentes, mais si les gens qui m’aiment et me soutiennent sont comblés, j’aurai été digne de leur générosité. C’est une invitation qui me semble gratuite. Comme si j’étais élue. C’est très sympa. C’est comme si c’était vraiment mon travail qui plaisait et non ce qu’on pense savoir de moi.

Q. Quelle est la fonction de ton travail?
Ça ne me suffit pas qu’on m’aime, sans mon travail je suis assez morte, ça ne me suffit pas que l’on m’aime sans aimer mon travail. Mon travail fait de moi une personne à peu près en vie.

Martine Birobent remercie Any et Lulu Vacquier, Philippe Dauba et Didier Birobent, Christine Béglet, Nicole, Nadja et Richard Reimann, Joe, Marcio, Ursina et Rebecca pour leur appui. Bises à Pépère et Marius.

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En avoir ou pas… Céline Andréa Huyghebaert et Virginie Jourdain

28 juin au 21 juillet 2013
Vernissage le dimanche 7 juillet, 14h. avec prestation musicale du collectif \ op la vie \ musique post-experimentale-interpretative
(mise en garde pour cette exposition : érotisme, sexualité explicite, thèmes politiques)

RSVP http://enavoiroupas.eventbrite.ca/

Mémoire, argent, amour, sexe, liberté de choix… En avoir ou pas. C’est à un regard critique et féministe sur la société, les rapports à soi et aux autres, que la Galerie des Nanas vous convie tout au long du mois de juillet.

Céline Andréa Huyghebaert et Virginie Jourdain sont deux jeunes artistes de Montréal, qui bien qu’insubordonnées, ont un parcours professionnel et académique bien fourni. La première est doctorante en création artistique à l’UQAM, la seconde est coordonnatrice des expositions à La Centrale galerie Powerhouse. L’exposition qui aura cours tout au long de juillet propose des œuvres sur papier, au rendu plutôt sobre, mais au contenu chargé de questions courageuses et de postures atypiques.

Le travail de Virginie Jourdain est axé sur diverses disciplines, la performance et l’installation, surtout, et prend forme en démarche collective. Pour sa première présence chez nous, elle nous fait au contraire le cadeau de dessins très personnels abordant sans gêne, sans fausse pudeur, une sexualité non hégémonique et non hétéro-centrée, aux croisements des rapports complexes à la médecine, à l’espace privé/public et à la morale : « Face à l’ultra-visibilité des représentations hétérosexistes de la sexualité dans les médias, c’est un choix absolument politique, de fait, que de montrer des formes d’amours et de sexualités qui ne sont pas hétéro-centrées, considérées comme abjectes ou pornographiques, donc à bannir et à cacher. Loin d’être un simple travail narratif érotique, ma démarche tente de contrer ce monopole politique de l’hétérosexualité partout et tout le temps. Donner à voir ces dessins érotiques et émotifs, c’est mettre en inconfort les regards habitués aux formes de représentation de ce que c’est que LA sexualité, celle sacrée sous le règne construit socialement de la « Nature ». Ces liens amours et physiques que je représente sont non-reproductifs, jubilatoires ou mélancoliques, à deux ou plus, avec ou non des orifices à remplir. »

C’est l’accumulation de discours inutiles qui permet d’en arriver à l’affirmation qu’il y a beaucoup de bruits pour rien. L’accumulation des objets qui encombrent nos espaces de vie entraîne la même prise de conscience. Jeter, garder? Dans sa nouvelle série de dessins, Céline Andréa Huyghebaert cherche un équilibre entre le poids de l’accumulation et le vertige du vide.

Le vernissage se tient le dimanche 7 juillet de 14h à 17h en présence des artistes. Une prestation musicale aura lieu. Une intervention-performance surprise à Danville et Asbestos précédera l’exposition.

Virginie Jourdain – l’arbre papadansmaman

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Birobent-Langelier : La folie, un bienfait pour l’humanité*

(*le titre de l’exposition est un emprunt à l’ouvrage de ce nom, par Serge Tribolet)
du 6 novembre au 16 décembre 2012 (voir un aperçcu sur YouTube http://youtu.be/7MZuS4LNglc)
La galerie est ouverte tous les jours de 10h à 17h (fermeture annuelle Janvier à Mars)

CHANGEMENT DE PROGRAMMATION
Conférence de Jean-Robert Bisaillon
Les fabuleux marginaux – Niki de St-Phalle, Petit Pierre et Florent Veilleux, artistes sublimes!
le dimanche 2 décembre 2012 à 14h
RSVP sur EventBrite http://www.eventbrite.ca/event/4788158511

Martine Birobent et Anick Langelier, c’est dire l’invisible et l’inavouable, chacune à sa manière. Voilà la proposition que vous fait la Galerie des Nanas pour novembre, décembre et clore sa saison annuelle 2012.

L’exposition La folie, un bienfait pour l’humanité c’est la crème de la crème. C’est la rencontre de Martine Birobent, nana fondatrice de la galerie, pour sa première prestation officielle dans nos murs depuis l’ouverture en septembre 2011, et d’Anick Langelier, jeune artiste montréalaise inédite au parcours stupéfiant.

Si la science ne parvient pas à tout expliquer, c’est aussi et bien heureusement le cas, pour l’histoire de l’art, qui aura maille à partir avec cette exposition. Birobent et Langelier sont représentatives de formes d’art brut et autodidacte très mal comprises. Un art qui puise dans une capacité de regard affranchi des normes et de la critique, sans pour autant cesser de prétendre à l’art. Elles tranchent avec cette idée que les arts bruts sont avant tout un art naïf, l’expression de non-artistes.

Dans les deux cas, il s’agit d’une production volumineuse. Plus de 250 tableaux en 15 ans pour Anick et plus de 400 oeuvres plastiques en tous genres pour Martine. Sans constituer des démarches de thérapie par l’art, la création constitue pour nos deux artistes la principale raison d’être en vie. Les arts visuels sont pour elles, ce que la pratique de la musique ou de la danse sont à ces autres champs d’expression : un exercice quotidien du corps sur la matière. Ici, le concept naît d’un travail d’exécution et non le contraire. Ainsi, n’allez pas croire en l’absence de concept ou de proposition construite, pour les deux artistes, la création est un véhicule de critique sociale, politique ou féministe. Elles dénoncent vertement les écarts violent de nos existences : dépossession et autocensure, négation des droits et atteinte à l’intégrité des humains. Le plus beau est enfin qu’elles parviennent à faire de ces sujets durs, des oeuvres empreintes de sérénité et d’espoir. Elles puisent aux sources de l’inconscient collectif.

La galerie fera relâche après cette exposition pour, notamment, se rendre à la Outsider Art Fair de New-York. Nous reprenons en avril avec la résidence artistique de Joanna Chelkowska.

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Petit précis de réflexion sur les arts visuels autodidactes et insubordonnés (Chroniques d’un voyage de prospection de La galerie des Nanas – 1)

Le texte qui suit est écrit à chaud au retour du voyage de recherche et prospection de La Galerie des Nanas de février 2012, réalisé dans la foulée de l’exposition HEY! Modern Art & Pop Culture à la Halle Saint-Pierre de Paris et des poupées muselées de Martine Birobent à la librairie du même lieu.

La Galerie des Nanas emploie le terme art insubordonné pour décrire l’esthétique à laquelle elle consacre sa mission depuis l’été 2011. En plus de présenter de l’art insubordonné, la galerie privilégie aussi le travail des femmes et s’est donné comme défi additionnel de faire cela en milieu rural, hors du grand centre de Montréal.

Le Québec (et notamment ses capitales culturelles francophones d’Amérique que sont Montréal et Québec) s’est doté au cours des vingt-cinq dernières années, d’un système de soutien aux arts actuels d’une nécessité cruciale pour assurer son existence. Toutefois, au fil des années, ce régime s’est aussi appuyé de façon croissante sur la notion de mérite ou d’excellence artistique, sur les institutions académiques, institutions d’état ou encore sur un réseau de centres autogérés d’artistes professionnels subventionnés requérant des artistes qui y adhèrent, de démontrer leur statut professionnel autant que de démontrer leur engagement dans une production artistique affranchie des contraintes. Ce régime entretient aussi très peu d’interactions avec le marché de l’art qui peine quant à lui à sortir des logiques souvent instantanées, incarnées tantôt par les bustes en série de Corno, tantôt par le trash contrôlé de Besner ou la construction de star autour d’un Marc Séguin.

Dans un tel contexte, La Galerie des Nanas se démarque comme elle le peut, tout en constatant qu’elle partage une passion pour les arts visuels qui s’apparente sans l’ombre d’un doute à la famille de l’art brut. Nous constatons aussi que nous sommes les seuls à assumer officiellement cette posture au Québec et ce, sans nier le fait qu’il existe ici une tradition qui n’est pas nommée pour cette approche des arts visuels. Or, cette esthétique, qui prétend incarner une alternative aux arts institutionnels ou du star-system – en sorte une forme d’anti-esthétique, est aussi, lorsqu’elle fleurit comme c’est le cas en France, aux USA, ou encore en Angleterre, sujette à polémiques, dérives, guerres pour l’attention, récupération de ses logiques ou de ses artistes phares. Par conséquent, nous voulions savoir où et comment La Galerie des Nanas pouvait prendre sa place dans cette jungle des arts visuels où la diversité des espèces est loin d’être en danger, mais où la santé de chacune est menacée tant par le silence, que la starification.

Art brut, art singulier, arts indisciplinés, Art CRU, arts modestes, Raw Art, Outsider Art, arts populaires, Folk Art, art hors-les-normes, arts intuitifs, Self-Taught, stuckism, art autodidacte, art insolite ou création franche ( j’en oublie certainement) ; autant de termes utilisés pour décrire ce que Dubuffet a le premier nommé «art brut» – art qui s’exerce hors des pratiques institutionnelles ou des processus académiques : «l’actif développement de la pensée individuelle» (1). L’art brut est l’incarnation vivante, actuelle et assumée d’un art post-post-moderne, affranchi d’une histoire chronologique de l’art, de l’art culturel, de l’art universitaire ou encore de l’art publicitaire qui se décline aujourd’hui dans le branding de vedettes.

Mais, triste sort, l’art brut, par sa nature anarchiste, voulant s’affranchir des pouvoirs des normes, est retombé à son tour dans un vortex idéologique où l’on se demande quelle en est la véritable incarnation. Au départ, s’il s’agissait de reconnaître la valeur du travail artistique de gens complètement étrangers à l’édifice des arts – les fous (ou les fous légers…), les incarcérés, les petites gens qui peignaient le dimanche, l’art des enfants ou encore les arts premiers (on le sait, l’occident a le monopole du beau), la définition de l’art brut s’est élargie d’autant que les élites tentent de limiter ce qu’est l’art légitime. Art cars, caravanes artistiques, tatouage, BD, graffiti et street art, broderie, tricot, environnements et architecture atypiques, collages, mashups, scratch vidéo, masques, poupées d’art, mosaïque, objets insolites de toutes sortes, cirque de rue et cabarets burlesques, l’art brut est devenu tout ça car on ne sait plus trop bien où et comment classer, départager, récupérer, starifier, subventionner, acheter, juger de la qualité et établir le pedigree d’un artiste et de son oeuvre. Plus l’art culturel devient institutionnel et auto-référentiel, plus les prix de stars grimpent en flèche, plus l’art officiel se vide de toute substance et plus la marge s’enrichit de nouvelles propositions délibérément détonnantes et engagées. C’est ici que le terme art insubordonné prend véritablement son sens.

Enfin, si nous n’avons rien contre les artistes qui maîtrisent la technique, la réflexion autour de leur démarche, nous ne faisons pas de cette maîtrise une condition première et nous admettons qu’une telle maîtrise puisse s’acquérir ailleurs que dans un programme universitaire de création. Tellement d’artistes ont acquis cette maîtrise entre les quatre murs de leur studio, entre les parois de leur boîte crânienne, qu’il est hors de questions d’exiger que cette dernière soit à priori codifiée par un diplôme. Les artistes de talent sont tous des autodidactes avec, ou sans papiers.

Hey!

Ainsi, nous avons rencontré plusieurs acteurs et artistes français lors de notre récent voyage (nous reviendrons ultérieurement plus spécifiquement sur chacun et chacune), mais c’est la rencontre avec Anne & Julien et le succès sans équivoque de leur exposition Hey! Modern Art & Pop Culture qui correspond le mieux à notre logique actuelle. Cet événement, puisque c’en est un, a relevé de nombreux défis. D’abord les oeuvres sélectionnées couvraient un spectre extrêmement ouvert sur le plan des esthétiques, des périodes, des origines, commandé par le seul filtre critique de Anne & Julien et de Martine Lusardy de la Halle Saint-Pierre. Si madame Lusardy a participé à la mise en contexte de l’exposition en proposant des oeuvres d’artistes fondateurs tels Robert Combas, Hervé Di Rosa. Henry J. Darger, Pierre Bettencourt ou Philippe Dereux, c’est l’importance qu’accordent Anne & Julien aux rencontres personnelles qui marque l’exposition. Hey! c’est avant tout un état d’esprit, c’est un ancrage très fort lié au respect du travail et du propos des artistes qu’ils mettent de l’avant. On sent le fil puissant qui lie Hey! à des artistes tels Murielle Belin, Alexandre Nicolas, Chris Mars, Mia Mäkilä, Amandine Urruty, Yu Jinyoung, Kris Kuksi, Scott Hove, Jessica Harrison ou encore Titine K-Leu.

Enfin, l’exposition, marquée par un puissant effet d’attraction tant pour les connaisseurs que le grand public, même familial, et atteignant 1300 entrées quotidiennes lors du dernier weekend, savait puiser dans une multitude de formes d’expressions contemporaines tout en respectant la valeur de chacune des familles de propositions dans l’accrochage, l’éclairage, la mise en scène des oeuvres. BD, tatouage, assemblages, textiles, poupées, dessin, peinture ou sculpture tout y était. Pour couronner le tout, Hey! C’est aussi un cabaret des curiosités, sur scène, où le concept d’oeuvre d’art totale, ou Gesamtkunstwerk, est proposé avec fraîcheur et intelligence. Anne & Julien, DJ et MC (78 RPM Selector), utilisent 3 gramophones et une série de 78 RPM comme piste sonore, proposent un mashup d’arts visuels, VJing (IPSS), musique, danse (Lalla Morte), acting et contorsion (Yannick de Bitche, l’Homme Rouge) et human beatboxing (Ezra) désincarné, onirique. Le temps se désagrège car les propositions et les procédés puisent dans toutes les époques : scie musicale, gramophones mécaniques, thérémine et contrôleur iPhone.

Proximité des créateurs, singularité des propositions, effet choc, accessibilité pour le profane et propos socialement ancré, autant de qualités dont les arts visuels actuels ne peuvent faire l’économie et que l’insubordination offre!

Martine et Jean-Robert – La Galerie des Nanas

(1) Dubuffet, Jean, (1968), Asphyxiante culture, Les éditions de Minuit, Paris, 124 pages, citation prise sur la quatrième de couverture.

Mille mercis à tous et autres textes à venir…

Laurence Maidenbaum et Pascal Hecker de la Halle Saint-Pierre

Anne & Julien du magazine Hey!, commissaires de l’exposition Modern Art & Pop Culture

Paty Vilo de Fiber Art Fever

Christine Beglet

Cathy Burghi

Béatrice Elso et Mizel, le moulin et l’arche de Béatrice à Itxassou (en magnifique Pays Basque français)

Emily Beer (Philippe, Jules et Violette)

Catherine Roselle (et Jules)

Fabesko et Barbara D’Antuono à l’Aftersquat du 59 de Rivoli à Paris

Annabelle Larouche-Saint-Sauveur de l’Ambassade du Canada à Paris et Catherine Bédard du Centre Culturel Canadien

Yves Sabourin à la Direction générale de la création artistique du Ministère de la Culture

La Galerie Dock Sud de Sète

Pascale Gregonia au MIAM de Sète

Le rendez-vous manqué avec la Villa Saint-Clair

Madame Lisette Alibert de la Galerie Lisette Alibert à Paris

Madame Marie-France Openo et Paul, de la Galerie Lefor/Openo à Paris

Pascal Rigeade du Musée de la Création Franche de Bègles

Guy Lafargue du Museum Art CRU de Bordeaux

Bernard Coste du Musée du Veinazès

Lola Rafia à Montpellier

Yann Legrain, Fleur Lefevre, Roman et Anatole (aussi Dieu et Julien) du Collectif du Château de Verchaüs

Mme Ehrmann et Isabelle à la Demeure du Chaos / Artprice à St-Romain-au-Mont-D’Or

Loren, Guy Dallevet de la Biennale Hors-les-Normes et de l’Atelier La Rage à Lyon

Baptiste Brun du Collectif de réflexion sur l’Art Brut (CrAB – Université de Nanterre, Paris Ouest)

Les adorables copines et copains Cécile Blériot, Jean-Noël Bigotti (et tous ses ex-collègues de l’IRMA, Marie-Josée et Gilles, Fabrice et Marion), Thaïs De Roquemaurel, Marion Yonyon, Serge, Anne-Marie et Harmony Beyer, Cédric Manusset de Longueur d’Ondes, Vanessa Cordeiro et Scarlet pour l’apart de Paris, Patricia Teglia (merci Pat!), Rodolphe Burger et Léo Spiritof, Anne-So et Clarisse, Julien Banes et Fabrice Absil, Rebecca Caca et Gérald, Michel Veltkamp, Virginie Birobent, Didier, Philippe (deux amours) et Choupette.

Merci à Antiquités Marilyn de Lyon

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