Je reviens d’un voyage professionnel en lien avec mes projets de métadonnées musicales qui m’a mené à la CISAC, à la Bibliothèque Nationale de France et au MIDEM (hébergé chez l’adorable Armelle). J’ai profité de ce déplacement pour aller revoir des amies proches et connaissances inestimables qui ont connu ou soutenu le travail de Martine. Je suis allé me charger de câlins et de bises pour mieux encaisser avec ces belles personnes la disparition de la splendide Martine Birobent, la fondatrice de la Galerie des Nanas. Celle qui fut à la fois mon artiste favorite, ma grande amie, l’amour de ma vie, jusqu’à sa mort le 30 mars dernier.
D’abord la Halle Saint-Pierre, cette modeste et chaleureuse cathédrale de l’art brut et singulier, revoir Pascal Hecker qui m’a présenté à Marcel et à Jean-Claude Volot, de l’abbaye d’Aubagne, dont la passion s’illustre éloquemment dans l’actuelle exposition «L’Esprit Singulier». Très beaux bourrages de Francis Marshall, magnifiques Jésus torturés par Murielle Belin ou encore dessins d’un infini raffinement de Hélène Lagnieu, la Halle Saint-Pierre poursuit sa mission avec droiture et courage.
Jeudi soir le 2 juin, le destin m’envoie le vernissage des nouvelles œuvres de Ody Saban à la Galerie Claire Corcia. La soirée est co-présentée avec Anne & Julien de la Revue Hey!. Autant y voir une sorte de miracle. Rencontre fabuleuse avec Géraldine, Patricia et Shawn, clients de la Outsider Art Fair de New-York en janvier. Iléana Cornea y est, tout comme ce cher Laurent Danchin qui est venu, tard, mais droit comme une montagne, alors que de mon côté le vin rouge avait commencé à couler comme rivière… L’accueil de Claire fut réconfortant, quant aux échanges avec Ody et à son riche exposé, j’ai un droit à un grand privilège. Mes excuses d’avoir eu à quitter en catimini après trois heures d’émotions vives, fatigué, enivré et secoué. Les nouvelles acryliques texturées de Ody Saban sont grandioses. Partout, ses couples amoureux, m’irriguaient le cœur.
Samedi soir le 4 juin, quelques heures après ma présentation au MIDEM, direction Marseille pour la Galerie Polysémie. Exposition de Davide Cicolani, retrouvailles avec François Vertadier et Isabelle Jambon. Adorable Isabelle, pétillant Vertadier, fouetté par la nouvelle d’une vente en direct d’une œuvre de Philippe Azema, par les bons soins de notre ami Robert Poulin de Montréal.
Dès le lendemain, direction Toulouse pour voir notre amie prodigieuse Christine Béglet, résidente détenant le record de présence à la Galerie des Nanas et âme rassurante sur le tracé des dernières années de Martine. Son travail de collagiste méditatif et intuitif est unique et inclassable. Que je rêve du jour où Chochotte pourra quitter son emploi et se livrer à cette passion au rythme de la nature, de la mer et du vent.
Un endroit plus que tout autre symbolise pour moi Martine. Mirepoix. Mirepoix plantée au milieu des châteaux cathares et des champs de tournesol. Violence, force et beauté. Je suis retourné à la cathédrale, sous les couverts de la mamie Lucie, au bar l’Atmospher qui jouait «Heart of Gold» de Neil Young. J’ai rêvé, je crois.
Direction Montpelier et St-André de Sangonis pour voir le petit frère Didier Birobent et son mari Philippe Dauba. Didier n’a pas vu sa grande sœur avant qu’elle ne meure. Impossible de décrire à quel point ce fut émouvant. Didier a toujours été là pour nous faire rire, pour nous permettre de poser nos valises pleines de vêtements sales, pour nous amener nous baigner nus dans la méditerranée, pour me filer un coup de main lors de la tournée des Chiens. C’est lui qui a croqué la photo qui illustre cet article, c’est lui et Philippe qui ont permis à Martine de réaliser son dernier rêve : Les Cévennes. Avons évoqué Annie et Lulu, la belle Ninibent, restée à Paris.
Marion Oster de la Galerie Coeur au ventre représente le travail de Martine en Europe. Marion surmonte chaque fois sa santé précaire pour bien me recevoir, pour m’alimenter des plus belles découvertes. Cette fois c’est Juliette Zanon qui me jette sur le cul, comme avant Petra ou Jakline ou Pierre Amourette. Quelle direction artistique irréprochable. Un jour Ludo, son compagnon, devra bien tout abandonner, pour se lancer à son tour dans cette aventure qui ne demande qu’à atteindre les hauteurs stellaires qu’elle mérite.
Guy et Loren sont des poètes. Les derniers poètes? Peut-être. La Galerie La Rage et la Biennale Hors-les-Normes sont toujours vivantes, ancrées dans la rue du 7e arrondissement de Lyon, dans cette nouvelle région Auvergne-Rhones-Alpes et dans le cœur de nombreux artistes hors-les-normes et autodidactes du monde. Guy et Loren m’ont invité au Café des Nains pour parler de la micro BHN en Chine et de la 7e Biennale de l’automne 2017. Ça fait beaucoup de 7, chiffre chanceux. Ils prenaient l’avion le lendemain de mon départ. Nous devions nous revoir, tout comme nous devrons nous revoir en plein désir et en plein désordre!
Paul Poule et Martine Birobent furent parmi les premiers amants virtuels de tous les temps. Lui 28 ans, elle 60. Je fus un peu jaloux de Kenny «Paul Poule» Ozier-Lafontaine, je comprends désormais pourquoi. Leur collaboration éphémère n’a pour beauté égale que sa beauté vivante et la sienne qui s’évanouit. Nous reparlerons de celui là. Merci Kenny. Merci pour ton regard clair, pour nos futurs projets.
Avec Esteban Kang aussi nous avons des projets. Merci Marion de me l’avoir livré sur plateau d’argent, ce vidéaste qui a immortalisé Martine en cet automne 2015, merci aussi à Evelyne Postic et Bernard Pilorge pour avoir été là ce dernier soir. Evelyne expose à la Galerie des Nanas en août de cette année.
À Lyon, j’habitais dans l’atelier de Hélène Lagnieu et Patricia Gattepaille. Il y avait aussi Paco Pedro et Billy, les chats. Il y avait surtout la force zen et aérienne de Hélène, heureuse comme un poisson dans l’eau de son atelier fabuleux, en contexte HLM, construit à une époque où nous fondions des espoirs sur l’art.
C’est Didier qui a retrouvé la dernière trace de Martine. Là, sur la plage des Aresquiers, elle a passé une dernière nuit sans nous, dans une cabane de bois flottant, se remémorant peut-être ses années de quêtes et de renaissance, ses amours, celles et ceux qui ne l’oublieront jamais.

Plage des Aresquiers Maison Birobentesque