Interview – Martine Birobent à la biennale Out Of The Box

La biennale Out Of The Box de Genève définit les arts inclusifs comme l’expression d’artistes handicapés ou en marge des circuits officiels. On y présentera pour une seconde édition, des œuvres en danse, en théâtre ou encore en arts visuels, qui puisent leur motivation et leur propos dans des zones souvent retranchées, dont l’intensité transcende les filtres sociaux-esthétiques habituels. La québécoise et fondatrice de La Galerie des Nanas, Martine Birobent est l’artiste visuelle invitée de l’événement. Son exposition solo « Motus et bouche cousue » sera lancée au même moment que la biennale, le lundi 1ier juin à 17h30 à l’espace34 de Genève. L’expo se poursuivra jusqu’au 4 juillet.

Martine Birobent est allée préparer une partie de sa participation à la biennale, perdue dans les montagnes Cévenoles. Nous lui avons posé quelques questions afin de mieux comprendre son actuelle démarche.

Q. Pourquoi es-tu allée préparer OOTB dans les Cévennes?
Il s’agissait d’une belle opportunité offerte. Un saut vers l’inconnu. Les montagnes sont belles, fortes, chaque virage recèle ses surprises, les paysages y sont variés, la vie cachée, secrète. J’avais envie de me cacher. Je ne supporte pas les gens. J’avais besoin de cette coupure. Les gens m’étouffent et me submergent. Il me fallait le calme et la solitude, pas de bruit pas de voiture, pas d’Internet. Que des animaux. J’y étais à l’abri des responsabilités sociales. La montagne c’est enveloppant, c’est un monde à part.

Martine au travail (Serres)

Q. Tu es une marginale?
J’ai besoin de me protéger de la société. Je suis vraiment obligée de me parler pour affronter l’espace public. Par ailleurs, si je n’étais pas exposée, mon travail serait vain. L’un ne va pas sans l’autre.

Q. Pourquoi les gens de la biennale t’ont-ils choisie?
Ça leur a plu peut-être. Ce que je fais dois avoir l’air un peu fou. Ma folie intérieure, mon handicap de l’âme, mon handicap bien réel malgré qu’il soit fonctionnel, non visible, leur a certainement plu.

Q. Tes poupées muselées et tes sarcophages sont déstabilisants…
Mes poupées évoquent fréquemment le handicap. Je ne supporte pas l’ordinaire, le prévisible. Ça m’amuse de défier la normalité, c’est un peu un jeu. C’est l’anormalité qui est finalement l’ordre des choses, nous sommes tous assez handicapés. On se force pour enrayer ce constat, mais l’humanité est profondément bancale. Les handicapés visibles nous le rappellent.

Q. Tu dois donner un atelier avec le public, un workshop. Comment une asociale compose-t-elle avec cela?
C’est un mal nécessaire, j’ai effectivement horreur des trucs sociaux, communautaire. Ce sera une forme d’épreuve en direct puisque je sors d’un mois de réclusion. Mais lorsque je suis obligée de communiquer, je me sais en mesure d’être généreuse et efficace. Ces efforts produisent toujours quelque chose d’intéressant.

Q. Comment vas-tu mesurer le succès de cette opération en Europe?
Au degré de satisfaction des gens qui me font confiance, m’apprécient et son généreux à mon endroit. C’est un cadeau que je reçois et je dois par conséquent être à la hauteur. Je n’ai pas d’attentes, mais si les gens qui m’aiment et me soutiennent sont comblés, j’aurai été digne de leur générosité. C’est une invitation qui me semble gratuite. Comme si j’étais élue. C’est très sympa. C’est comme si c’était vraiment mon travail qui plaisait et non ce qu’on pense savoir de moi.

Q. Quelle est la fonction de ton travail?
Ça ne me suffit pas qu’on m’aime, sans mon travail je suis assez morte, ça ne me suffit pas que l’on m’aime sans aimer mon travail. Mon travail fait de moi une personne à peu près en vie.

Martine Birobent remercie Any et Lulu Vacquier, Philippe Dauba et Didier Birobent, Christine Béglet, Nicole, Nadja et Richard Reimann, Joe, Marcio, Ursina et Rebecca pour leur appui. Bises à Pépère et Marius.

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